La Trilogie des Contes Immoraux (pour Europe) Phia Ménard / Compagnie Non Nova
Les contes pour mieux nous comprendre
La Trilogie des Contes Immoraux (pour Europe) de l’artiste française Phia Ménard comprend trois performances, 'Maison Mère', 'Temple Père' et 'La Rencontre Interdite'. La première partie, Maison Mère, a été créée en 2017 à la demande de la Documenta 14, organisée cette année-là à Cassel et à Athènes. Le questionnement soulevé par la Documenta 14 était « Apprendre d’Athènes » et « Pour un Parlement des Corps » qui sont pour la metteuse en scène, des thèmes entrant en résonance avec ses réflexions de prédilections. Qu’elles sont-elles ? Le corps, l’identité, la matière et par extension, la société patriarcale, le libéralisme, l’esclavage économique, la métamorphose, les formes de domination et d’oppression, le pouvoir et la liberté. (NL vertaling onderaan)
Ces contes sont dits immoraux en ce sens que l’immoralité permet de faire dialoguer des gens qui cherchent à interroger et à comprendre le monde ; et cette possibilité de traiter tous les sujets, nous l’avons (encore) grâce au théâtre. C’est aussi le dessein de la Documenta de développer la société par l’art ; et qu'est ce que l’art, sinon un travail de questionnement de l’Humain, de son savoir et de son immoralité.
‘Maison mère’
Un parterre de plaques de carton de dimensions diverses, occupe l'entièreté du plateau. À l’arrière scène jardin, une femme est avachie et nous regarde entrer dans la salle de spectacle. Elle arbore un style punk rock avec sa crête blonde dressée, sa tenue de cuir et de caoutchouc clouté, son ras de cou en cuir à spike, ses bas résilles déchirés et ses mitaines rivetées. Cette femme au look oscillant entre la science-fiction de Mad Max et le gothique de Marilyn Manson, c’est Phia Ménard. En fait, on ne sait pas vraiment si elle a les yeux ouverts ou fermés car son maquillage de guerrière amazone lui couvre le regard comme un bandeau noir; mais son corps nous regarde et nous défie. À sa droite, un carquois géant garni de harpons en métal.
Elle se lève, puis fait le tour du parterre de cartons d’un pas lent mais ferme. Des forces tant féminines que masculines émanent de ce personnage, si bien qu’il est encore difficile de comprendre son état d’esprit. Après avoir embroché vaillamment de ses harpons quelques pans de cartons et les avoir remisé à l’arrière scène cour, elle procède à l’assemblage des planches restées au centre de la scène avec du scotch d’emballage.
S’aidant de nouvelles tiges en métal, elle érige progressivement sa structure. Son langage gestuel est martial, singulier, précis et volontairement restreint. Marcher, assembler, scotcher, bâtir, sont une affaire de force mais aussi d’équilibre. L’édification qui semblait s’annoncer comme une expérimentation enfantine se révèle devenir un combat contre la matière. Une matière démesurée, puisque certains pans de carton font au moins 6 mètres de long par 2 mètres de large. Des micros cachés captant tous les sons produits par notre héroïne, ses pas de guerrière, le déroulé du scotch, le renversement des assemblages monumentaux, accentuent cette lutte avec la matière.
Ce solo porte la symbolique de la création, de la forme plate qui s'érige en volume
Ce solo porte la symbolique de la création, de la forme plate qui s'érige en volume. L'archaïsme de la forme ‘maison’ - des 4 murs et du toit protégeant des ennemis et des intempéries - nous touche dans notre ADN d’humain. Notre guerrière s'agenouille devant sa créature en guise de remerciement de la matière qui se laisse conquérir. Ce colossal parallélépipède rectangle doit peser des centaines de kilos, elle le manipule entièrement seule. Il arrive que les forces lui manquent et que la structure ne coopère plus. Ce personnage, qui nous semblait menaçant au début, puis attendrissant dans ses différentes tentatives de construction, finit par nous inspirer une grande admiration. Elle redouble d’efforts pour une dernière bascule. Ce qui était jusqu’alors une maison instable, basculant d’un côté et de l’autre, devient soudainement, dans un ultime renversement, un temple.
‘Apprendre d'Athènes’ ? Le monument le plus symbolique d'Athènes, le Parthénon, est dédié à la déesse Athéna que les Athéniens considéraient comme la protectrice de leur cité. Là, sous nos yeux, en Athéna moderne, elle a bâti un temple pour l’Humanité à partir de cartons, tout comme un meuble en kit. Ce temple devient alors la transcription concrète de la construction de l’Europe d'après-guerre comme sanctuaire de protection et de paix. Ce temple dont nous avons observé la construction avec attention depuis 50 minutes, trône enfin majestueusement devant nous. Ce Parthénon en carton, ce ‘Carthénon’ comme Ménard l'appelle, est la copie en carton échelle 1/10 de l’antique Parthénon d’Athènes.
Soudainement, on entend le bruit d’une tronçonneuse et le carton fuse. Les designs lumières et sonores mettent le chaos scénique en exergue de façon remarquable. À une vitesse extraordinaire, depuis l'intérieur de la structure, notre architecte scénique découpe tous les 30 centimètres des pans verticaux, qu’elle défonce ensuite à coups-de-poing. Le Parthénon tient à présent sur ses colonnes et dans la transparence de l’édifice, ‘tout n’est qu’ordre et beauté, luxe, calme et volupté’.
Alors qu’elle sort de son monument et marche autour de son œuvre, la pluie survient et un nuage de fumée menaçant apparaît. Alors qu’il a fallu une heure de labeur pour l’ériger, ce Parthénon prend l’eau et, en moins d’une minute, dans un fracas torrentiel, son toit s’effondre en son milieu. Face à l’ampleur des dégâts, elle se retourne et pour la toute première fois, nous regarde dans les yeux dans un silence strident. Elle pose un genou au sol sur les cartons harponnés du début, comme vaincue et soumise aux éléments. Face au déluge, ils deviennent des radeaux de fortune recueillant notre guerrière désabusée.
Un deuxième genou au sol, puis les poings et de nouveau, elle nous regarde impuissante. Se sent-elle impuissante ou regarde-t-elle ceux qui l’ont regardée construire et qui, comme hypnotisés et dominés par son échec, ne bougent pas ? Nous sommes une agora sclérosée qui renonce à sa force de groupe pour soutenir cette maison. Tombe la pluie. Elle se lance une dernière fois à l'intérieur de cette maison pour essayer de la sauver, en vain.
‘Maison Mère’ est l’ère des dieux. C’est le conte de la déesse qui se livre sans merci dans une bataille contre les lois de l’univers, dans la construction de la première maison de l’Humanité, qui est noyée dans une simple averse puis engloutie dans les abysses. L’orage s’arrête, le rideau noir de fond de scène s’ouvre sur un autre monde dans la lumière blanchâtre des restes de fumées. 7 personnages s'affairent à déblayer les débris du Parthénon du parterre inondé.
Les textes que nous entendons et qui se transforment en rites chantés, sont déclamés depuis un œil-totem géant trônant au centre de la scène et puissamment éclairé à contre-jour. ‘Temple Père’ commence.
‘Temple Père’
‘Temple Père’ est une bombe d'énergie d’environ 1 h 20, j’essaierai en toute humilité d’avoir les mots justes, mais je crains qu’ils ne soient pâles tant la mise en scène et les interprètes sont puissants. Phia Ménard crée un théâtre de haute teneur symbolique et métaphorique qui s’adresse aux tripes des spectateurs.
‘Temple Père’ est l’ère du pouvoir. C’est le conte de la tour de cartes, charpentée comme une tour de Babel qui, tout comme un jeu de cartes peut s’effondrer en un instant et emporter dans ses décombres ses constructeurs esclaves englués dans un rituel mortifère.
Le binôme mis en scène, une dominatrice, la sensationnelle performeuse islandaise Inga Huld Hákonardóttir, personnage à l’aura solaire et à l’allure charismatique d’uneprêtresse de la mythologique nordique vêtue d’un smoking blanc ornementé de chaînes métalliques en guise de colliers et juchée sur des platform shoes qui accentuent l’aplomb de sa silhouette, et 4 constructeurs esclaves aux visages grimés, aux têtes couvertes de capuches et les corps neutralisés dans des combinaisons intégrales grises. Un duo inégal reposant sur un rapport de force illogique, puisque 1 est supérieur à 4.
Ce tyran exhorte ses esclaves de l’empire de la mort à s’élever vers le ciel. En réponse, ils se mettent à construire, dans une servitude complètement volontaire, une tour faite de plaques de bois dont chacune mesure au moins 3 mètres sur 2. Un premier étage est construit. L’entreprise, forcée à être réalisée de plus en plus rapidement, devient d’autant plus périlleuse qu’elle prend de la hauteur. Dans une frénésie mécanique totale, un deuxième étage voit le jour. Ce tyran tire profit, sans vergogne, de l’énergie de ces humains, comme s’ils étaient des machines. Cette situation de majorité dominée par une minorité dominante, nous ne la connaissons que trop bien, et bien qu’au quotidien nous témoignons de ces méfaits au niveau micro, macro-économique et social, nous contribuons aussi à ce système avec un certain contentement et parfois même une certaine fierté. Tout dominé que nous sommes, nous nous retranchons dans le manque de choix de notre situation et nous trouvons notre liberté dans le fait de dominer plus faible que soi, sans jamais remettre en cause la logique de punition/récompense de cette hiérarchie.
Nous, spectateurs, éprouvons très vite le vertige de leur imprudence
Cette construction est malgré tout fascinante; on ne sait comment elle tient, ni comment ces esclaves, évoluant à plusieurs mètres de haut sans harnais, se déplacent si rapidement dessus sans glisser ni tomber. Bien qu’ils risquent leurs vies dans des combats au corps-à-corps avec la gravité, ils persévèrent sans opposer quelque résistance. Cela fait penser à ces travailleurs migrants exploités dans les constructions de stades et autres infrastructures dans certains pays du monde et dont les vies sont traitées comme de la main-d'œuvre négligeable et remplaçable à souhait. Cette tour a pour velléité de monter toujours plus haut. Un troisième étage se construit dans ce rituel euphorique et pervers et va bientôt disparaître dans les cintres du théâtre. Sous les injonctions, ces esclaves demandent sans cesse à leurs corps de se confronter à l’épreuve et s’ils n’en ont pas conscience, nous spectateurs, éprouvons très vite le vertige de leur imprudence.
‘Temple Père’ est aussi une réflexion sur un patriarcat qui pousse la femme à cautionner un système tout en y participant. Qu’est-ce qui est le plus dur : rompre avec le patriarcat et donc avec une société néolibérale qui, poussée à l'extrême, exerce un droit même sur la vie, ou résister à l'assaut et retrouver son intégrité ? Dans la monstruosité de son propos, ‘Temple Père’ est un prodige de créativité technique, sonore, scénique et lumineuse. Quant à l'interprétation artistique, qu’elle soit rythmique, vocale ou corporelle, elle est portée talentueusement par des performers qui, sans nul doute, ont tous fait le choix de l’exigence.
Quant à nous spectateurs, nous n’avons pas bougé de nos sièges et le sadisme nous laisse dans la sidération et le frisson. Sommes-nous dominants ou dominés ? Le troisième étage est terminé et les limites de chacun sont repoussées. Notre désinhibition nous pousserait presque à vouloir voir un quatrième étage se construire à 8 mètres de haut. Contes immoraux...
Dans des vocalises jouissives, le tyran rentre à l'intérieur de sa tour, une cage de néons descend et devient le tombeau de sa transgression. Ces esclaves, programmés comme des machines, se sont retournés contre le dominant. Black out.
‘La Rencontre Interdite’
Dans le silence intérieur de notre corps, La Rencontre Interdite s’annonce. La lumière revient, Phia Ménard, nue, est perchée dans les hauteurs de la tour comme un animal en panique. La lumière est travaillée comme du morse lumineux; elle va-et-vient progressivement toutes les 5 secondes, et tend à nous faire perdre de vue notre femme-animale, qui elle trouve son chemin pour descendre la tour en son centre.
Arrivée en bas de la structure tournante, elle s’avance vers nous dans un contre-jour. Lumière, puis un grand rideau transparent se déroule des cintres jusqu’au sol dans un grand fracas. Je crois que c’est l’acte fondateur de ‘La Rencontre Interdite’. Si ‘Maison Mère’ se tenait dans la première moitié de la scène et ‘Temple Père’ se prolongeait au lointain dans sa profondeur, ‘La Rencontre Interdite’, avec ce mur-rideau transparent en avant-scène, définit une troisième partie du théâtre, l’espace où nous, spectateurs nous trouvons.
‘La Rencontre Interdite’ est le conte qui nous implique. Phia Ménard, avec son parcours d’un genre à l’autre, nue devant nous, devient symboliquement le miroir de tous les hommes et les femmes face à elle. Nous nous retrouvons donc comme face à nous-même, chaussant simultanément les identités masculines et féminines, mais aussi celles des dominants et des soumis évoquées dans les contes précédents.
Elle se retourne et nous découvrons l’extincteur qu’elle porte en sac à dos. Ce n’est pas de la mousse blanche qu’elle projette sur le rideau transparent, mais une encre noire qui dégouline très lentement. Elle répète l’opération avec deux autres bonbonnes. La transparence noircie du rideau contraste avec la transparence obtenue des colonnes du Parthénon de la première pièce. Puis, elle ramasse un harpon du tableau précédent, allonge sa dernière bonbonne vide devant elle et se couche dans l’eau noire.
Dans ce tableau qui ne dure que 20 minutes, il y a une sorte d'absence et d’invisible qui opère et qui finalement rend notre propre présence encore plus saisissable. Une émotion silencieuse est palpable dans la salle. Que reste-t-il ? Son corps, nos corps. Des corps qui, comme des criminels, étaient interdits de séjour dans les théâtres en 2020 et 2021; les théâtres, victimes collatérales du politiquement soignant.
Dans cette trilogie de ruines, de quoi aurons-nous besoin pour reconstruire le monde ? Elle semble nous dire que la réponse se trouvera dans notre humanité, dans notre volonté de faire lien, de faire de nouveaux débats dans l’assemblée du théâtre qui permet d’être immoral - en ce qu’il se sert du vrai pour faire du faux - de questionner, de douter et de comprendre. ‘La Trilogie des Contes Immoraux (pour Europe)’ de Phia Ménard est un spectacle puissant, rigoureux, qui a du corps et qui prend au corps.
Vertaling NL:
Verhalen om onszelf beter te begrijpen
‘La Trilogie des Contes Immoraux (pour Europe)’ van de Franse kunstenares Phia Ménard omvat drie stukken, ‘Maison Mère’, ‘Temple Père’ et ‘La Rencontre Interdite’. Het eerste deel, ‘Maison Mère’, werd gecreëerd in 2017 op verzoek van Documenta 14, die dat jaar zowel in Kassel als in Athene doorging. De vraag die Documenta 14 op riep was ‘Leren van Athene’ en ‘Voor een parlement van lichamen’. Het zijn voor de theatermaakster thema’s die resoneren met haar eigen favoriete denksporen. Dat zijn: het lichaam, identiteit, materialiteit en bij uitbreiding ook de patriarchale samenleving, het liberalisme, economische slavernij, metamorfose, vormen van onderdrukking en overheersing, de macht en de vrijheid..
Deze verhalen heten immoreel omdat mensen die willen bevragen en begrijpen maar tot een gesprek kunnen komen door voorbij te gaan aan de moraal. Het is nu net in het theater dat het (nog) mogelijk is om alles ter sprake te brengen. Het werk ontstond deels op vraag van Documenta 14 (2017) dat eveneens beoogde om de samenleving herop te voeden door de kunst. Wat is kunst immers anders dan een bevraging van het Menselijke, van zijn inzichten en zijn immorele trekken?
‘Maison mère’ (Huis moeder)
Een vloer van platen golfkarton in alle maten bedekt de hele toneelvloer. Achteraan op het podium kijkt een vrouw gehurkt toe hoe we de zaal betreden. Ze houdt er een punkrock stijl op na, met haar blonde hanenkam, haar pak van leer en rubber met klinknagels, haar halsband van leer met pinnen, haar gescheurde netkousen en haar geniete vingerloze handschoenen. Deze vrouw, die het midden houdt tussen de sciencefiction van Mad Max en de Gothic van Marilyn Manson is Phia Ménard. Je weet niet echt of haar ogen open of dicht zijn, want haar maquillage van amazone-krijgerin bedekt haar blik als een masker; haar lichaam daarentegen kijkt ons aan en daagt ons uit. Rechts van haar staat een reusachtige pijlenkoker gevuld met metalen harpoenen.
Als ze recht komt loopt ze rondom de vloer van karton, meteen trage maar vaste tred. Mannelijke, zowel als vrouwelijke kracht straalt dit personage uit, in die mate dat je voorlopig moeilijk achter haar gestesgesteldheid kan komen. Eerst prikt ze vastberaden enkele stukken karton op met haar harpoenen. Die werpt ze rechts achter op het podium neer. Vervolgens begint ze de platen die midden op het podium achter bleven in elkaar te zetten met behulp van verpakkingstape.
Met behulp van andere metalen stangen bouwt ze langzaam haar structuur op. Haar bewegingstaal is strijdvaardig, bijzonder, precies en bewust ingehouden. Stappen, monteren, aftapen, bouwen zijn een kwestie van kracht, maar ook van evenwicht. Kondigde de opbouw zich aan alse en kinderlijk experiment, dan blijkt ze al snel een gevecht tegen de materie. Een buitenmaatse materie, want sommige kartonplaten meten wel zeker zes bij twee meter.Verborgen microfoons die alle geluid opvangen dat onze heldin voortbrengt, van haar militante passen over het geluid van de afrollende tape tot het kantelen van de monumentale compositie benadrukken deze strijd met de materie.
Deze solo heeft de symboliek van de schepping, van de platte vorm oprijst als een volume
Deze solo heeft de symboliek van de schepping, van de platte vorm oprijst als een volume. Het archaïsche van de vorm ‘huis’ -van de vier muren en een dak die beschermen tegen vijanden en noodweer- raken ons in ons menselijke DNA. Onze krijgsvrouw knielt neer voor haar schepping bij wijze van dankbetuiging aan de materie die zich laat veroveren. Deze kolossale balk, die wel honderden kilo’s moet wegen, behandelt ze helemaal op haar eentje. Soms lijkt het aslof ze daartoe de kracht niet heeft en de structuur tegenwerkt. Dit personage, dat er aanvankelijk zo dreigend uitzag, en ons vervolgens voor zich innam met haar pogingen om een constructie te bouwen, lokt finaal grote bewondering uit. Ze verdubbelt haar inspanningen om een laatste keer het gevaarte te laten kantelen. Wat tot dan slechts een wankel huis was, dat heen en weer wiebelde, wordt plots, bij een ultieme kanteling, een tempel.
‘Leren van Athene? ‘He monument dat het symbool bij uitstek is van Athene is het Parthenon, gewijd aan de Godin Athene, die de Atheners zagen als beschermvrouw van hun stad. Hier, voor onze ogen, heeft eij, alse en moderne Athena, een tempel gebouwd voor de Mensheid, met karton, als een zelfbouwmeubel. Die tempel wordt zo als vanzelf de concrete vertaling van de opbouw van het naoorlogse Europa als een heilig oord van bescherming en vrede. Vijftig minuten lang hebben we de opbouw van die tempel met aandacht gevolgd en nu troont ze eindelijk majesteitelijk voor ons. Dit Parthenon van karton, of ‘Carthénon’ zoals Ménard het noemt, is een kopie op schaal 1/10 in karton van het antieke Parthenon van Athene.
Plots weerklinkt het lawaai van een kettingzaag en scheurt het karton open. Het licht- en geluidsontwerp benadrukken op een opmerkelijke manier de chaos die ontstaat op het podium. Ongewoon snel snijdt onze architete-scenografe van binnenin de constructie verticale stroken van 30 cm uit, die ze dan met haar vuist uitklopt. Vanaf nu staat het Parthenon op kolommen en in dit doorzichtige gebouw heerst nu enkel nog ‘ordre et beauté, luxe, calme et volupté’ (nvdr: citaat uit ‘L’ invitation au voyage’, een gedicht van Charles Baudelaire uit ’Les fleurs du mal, 1857. ‘Orde en schoonheid, weelde, rust en wulpsheid’),
Als ze haar monument verlaat en er omheen stapt, begint het te regenen en verschijnt er een dreigende rookwolk. Als het een vol uur duurde om het op te richten, zuigt dit Parthenon de regen zo snel op dat het in minder dan een minuut in het midden in elkaar stuikt onder donderend lawaai. Als ze de omvang van de schade ziet, draait ze zich om en voor de allereerste keer kijkt ze onsrechtt in de ogen, in verbeten stilte. Ze plaatst haar knie op de grond, bovenop de panelen die ze in het begin vastprikte, alsof ze verslagen was en zich onderwierp aan de elementen. In het zicht van deze vloedgolf worden het geïmproviseerde vlotten die onze gedesillusioneerde krijgster opvangen.
Als ze ook haar tweede knie laat zakken op de vloer, en haar vuisten volgens, kijkt ze ons onmachtig aan. Voelt ze zich ook onmachtig, of kijkt ze naar allen die haar zagen bouwen en nu, als gehypnotiseerd en verslagen door dit échec, niet in beweging komen? We zijn een verstarde agora die voorbij gaat aan zijn macht om als groep dit huis te stutten. En het blijft maar regenen. Zij dringt nog één keer het huis binnen, in een poging om het te redden. Tevergeefs.
‘Maison Mère’ is het tijdperk van de goden. Het is het verhaal van de godin die zich ongenadig stort in een gevecht met de wetten van het Universum om het eerste huis van de Mensheid te bouwen, dat verzuipt in de eerste de beste stortbui om vervolgens verzwolgen te worden door de ondergrond. Het onweer houdt op, het zwarte gordijn in de achtergrond opent zich voor een andere wereld in het witachtige licht van de resterende mistbanken. Zeven figuren reppen zich om de het onder water gelopen podium vrij te maken van de brokstukken van het Parthenon.
De teksten die we nu horen en zich ontwikkelen tot gezongen riten, worden gedeclameerd vanaf een gigantisch totem-oog dat troont in het midden van het podium, in stralend tegenlicht. ‘Temple Père’ begint.
‘Temple Père’ (Tempel Vader)
‘Temple Père’ is een bom energie die zich gedurende ongeveer 1u20 ontlaadt. Ik zal in alle bescheidenheid de juiste woorden zoeken, maar ik vrees dat ze maar bleek zullen afsteken tegen een zo krachtige voorstelling en vertolkingen. Phia Ménard maakt hier theater met een hoge symbolische en metaforische kracht, dat zich richt op de onderbuik van de kijkers.
‘Temple Père’ is het tijdperk van de macht. Het is het verhaal van een kaartenhuisje, getimmerd als een toren van Babel, die net als en kaartenhuis in een oogwenk kan instorten en daarbij de werlieden-slaven kan meeslepen in het puin, verstrikt als ze zijn in een dodelijk ritueel.
Dit deel vertrekt vanuit een tweespalt. Aan de ene kant is er een dominatrix, de sensationele ijslandse performer Inga Huld Hákonardóttir. Haar personage heeft het aura van een zon, of nog de charismatische allure van een priesteres uit de noordse mythologie. Ze is gekleed in een witte smoking, en draagt metalen kettingen om haar hals bij wijze van halssnoer. Ze staat verheven op platformschoenen die de branie van haar silhouet uitvergroten. Tegenover haar staat een groep van vier bouwvakkers-slaven. Ze zijn anoniem door hun gegrimeerde gezichten, de kappen over hun hoofd en grijze overalls die hun lichaamsvormen verhullen. De macht tussen beiden is ongelijk verdeeld, in een onlogische krachtsverhouding, want hier is één sterker dan vier.
Deze tiran spoort haar slaven van het rijk van de dood aan om naar de hemel te reiken. Ze beantwoorden de oproep door in vrijwillige onderwerping aan een toren te bouwen. Die is gemaakt van houten platen die elk gemakkelijk drie bij twee meter meten. Een eerste etage staat er snel. Van dan af wordt het bouwen, dat steeds sneller moet, ook steeds gevaarlijker omdat de werhoogte almaar toeneemt.
Met haast mechanische waanzin komt zo een tweede etage tot stand. De tiran trekt zonder schaamte profijt van de energie van deze mensen, alsof het machines waren. Die situatie, waarin de meerderheid gedomineerd wordt door een machtige minderheid kennen we maar al te goed. Hoewel we elke dag getuige zijn van die wantoestanden op micro- en macro-economische schaal en in het sociale leven dragen ook wij bij aan dat systeem, zelfs met een soort tevredenheid of soms zelfs fierheid. Hoezeer we ook onder het juk van de overheersing zuchten, we verschansen ons achter het feit dat we gegeven onze situatie geen keuze hebben, en vinden onze vrijheid dan in het feit dat we zelf ook anderen, die nog zwakker zijn, overheersen, zonder ooit de logica van straf/beloning van die hiërarchie in vraag te stellen.
Wij, toeschouwers, voelen maar al te goed de duizeling van hun roekeloos gedrag
Het bouwsel dat ontstaat is desondanks fascinerend. Het is onbegrijpelijk hoe het overeind blijft, noch hoe die slaven, die zich zonder harnas bewegen op vele meters hoogte zich zo snel kunnen verplaatsen zonder uit te glijden of te vallen. Al wagen ze hun leven in een lijf aan lijf gevecht met de zwaartekracht gaan ze maar door, zonder enig teken van weerstand. Het doet denken aan die migranten die in sommige landen uitgebuit worden als werklui bij de constructie van stadia en andere grootschalige bouwwerken: hun leven wordt als verwaarloosbare en naar willekeur te vervangen mankracht beschouwd.
Zolang het verlangen van die toren om hoger en hoger te rijzen maar voldaan wordt. Ziedaar hoe een derde etage oprijst, zodat de toren in dit euforische en perverse ritueel stilaan verdwijnt in de toneeltoren,. Opgejaagd door de bevelen leggen deze slaven hun lijven deze beproeving voortdurend op. Als zij zich daar geen rekenschap van geven, wij, als toeschouwers, voelen maar al te goed de duizeling van hun roekeloos gedrag.
‘Temple Père’ is tegelijk een reflectie over een patriarchaat dat de vrouw ertoe leidt om het systeem te steunen door er deel van te zijn. Wat vraagt meer moed : breken met het patriarchaat, en dus met een neo-liberale samenleving die, als uiterste consequentie, zijn rechten zelfs over het leven uitoefent, of weerstand bieden aan die aanslag en de eigen integriteit herwinnen? Hoe monsterlijk het thema van ‘Temple Père’ ook is, het is een wonder van creativiteit, qua techniek, qua klankbeeld, qua scenografie en belichting. Op het vlak van de vertolking, of het nu om ritme, stem of lichamelijke expressie gaat wordt de voorstelling gedragen door performers die zonder enige twijfel de hoogste eisen aan zichzelf stellen.
En wat dan met ons toeschouwers ? We zijn niet uit onze stoel gekomen, want het sadisme doet ons sidderen en beven. Staan we aan de kant van de overheersers of de overheersten? Als de derde etage klaar is, heeft iedereen zijn grenzen ook verlegd. We raakten zo ontremd dat we bijna nog een vierde etage zouden willen zien oprijzen op een hoogte van acht meter. Immorele verhalen…
Terwijl ze genotsvol haar stem laat klateren treedt de tiran nu binnen in de toren. Een kooi van TL-buizen zakt neer over haar en wordt de grafsteen van haar grensoverschrijding. Die slaven, geprogrammeerd als machines, hebben zich tegen de dominator gekeerd. Black out.
‘La Rencontre Interdite’
‘La rencontre interdite’ laat zich al gevoelen in de stilte van onze lichamen. Het licht gaat weer op. Phia Ménard heeft zich naakt teruggetrokken in de hoogte van de toren, als een angstig dier. Het licht werkt alse en morsesignaal : om de vijf seconden gaat het aan en weer uit en weer aan. Het laat ons dat wezen dier-vrouw bijna uit het oog verliezen, terwijl het in het midden van de toren een weg naar beneden zoekt.
Eens ze op het draaiplateu aanbelandt, stapt ze op ons toe in het tegenlicht. Terwijl het lciht vooraan opgaat komt een podiumbreed, transparant plastic gordijn met veel lawaai van boven naar beneden tot op de vloer. Ik denk dat dit het fundamentele gebaar is van ‘La rencontre interdite’. ‘Maison Mère’ speelde zich vooraan op het podium, terwijl ‘Temple Père’ zich uitstrekte tot in de verste diepten ervan. ‘La Rencontre Interdite’ daarentegen bakent, door die transparante wand op het voortoneel een derde gebied af binnen het theater, met name de ruimte waar ook wij, kijkers ons bevinden.
‘La Rencontre Interdite’ is het verhaal dat over ons gaat. Phia Ménard, met haar geschiedenis van geslachtsverandering, naakt voor onze ogen, wordt symbolisch de spiegel van zowel de mannen als de vrouwen voor haar. Het is alsof we tegenover onszelf zouden staan, terwijl we tegelijk de mannelijke en de vrouwelijke identiteit bekleden, maar ook die van de heerser en zijn onderdanen zoals die in de eerdere verhalen opgeroepen werden.
Als ze zich omdraait ontdekken we hetr brandbliusapparaat dat ze als een rugzak meedraagt. Als ze de spuit op het doorschijnende gordijn richt komt er echter geen wit schuim uit, maar een zwarte inkt die langzaam afdruipt. Ze herhaalt die actie met nog twee andere brandblussers. De verduistering van het doekstaat tegenover de transparantie van de kolommen van het parthenon in het eerste deel. Ze raapt nog een stang op die daar sinds het eerste deel was blijven liggen, steunt er haar laatste, lege brandblusapparaat tegen en gaat liggen in het zwarte water.
In dit tafereel, dat hooguit twintig minuten duurt, is een soort afwezigheid, iets onzichtbaars werkzaam dat uiteindelijk onze eigen aanwezigheid nog meer tastbaar maakt. Een stille emotie is voelbaar in de zaal. Wat blijft er over ? haar lichaam, onze lichamen. Lichamen die als, alsof het misdadigers waren, de toegang ontzegd werden tot theaters in 2020 en 2021. Theaters als de ongewilde slachtoffers van politieke zorgzaamheid.
Waar zouden we nood aan hebben om de wereld weer op te bouwen in deze trilogie van ruïnes? Zij lijkt ons te zeggen dat het antwoord te vinden is in onze menselijkheid, in onze wil om verbindingen te maken, om een nieuw debat te voeren in de bijeenkomst die het theater is, omdat die toelaat een immorele positie in te nemen in de zin dat het gebaseerd is op het echte om het schijnbare te maken-, om vragen te stellen, te twijfelen, te begrijpen. ‘La Trilogie des Contes Immoraux (pour Europe)’ van Phia Ménard is een krachtige, rigoureuze voorstelling. Een voorstelling die er staat en aan de ribben plakt.
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