Thank you very much Claire Cunningham
Thank you very much Claire
Que l’art apporte une satisfaction désintéressée ou qu’il rende visible un problème, tout propos artistique est légitime, car il bâtit et fait évoluer le monde, mais le travail de Claire Cunningham nous permet d'aller au-delà. ‘Thank you very much’ est un exemple de transcendance qui nous incite à nous élever. S'inspirant de son expérience personnelle, son spectacle a la vertu de soigner et de restaurer, et donc d’offrir au plus grand nombre, de manière délicate et bienveillante, la possibilité d'élever son niveau de conscience.
En compagnie d'artistes également handicapés, Cunningham se sert du phénomène des sosies d'artistes - en l'occurrence Elvis Presley, lequel, au début de sa carrière, a suscité la controverse en raison de la façon dont son corps bougeait - pour explorer les notions d'identité et de reconnaissance, qui lui semblent très familières en tant que personne porteuse d’un handicap.
Ces 4 performeuses, aux déficiences diverses, visibles et invisibles, qui se positionnent sur le plateau grâce à des marquages au sol conçus pour les béquilles et les roues d'un fauteuil, font des propositions chorégraphiques absolument remarquables, évoluant sur scène de manière beaucoup plus organique et créative que certains d'entre nous, bipèdes bien-portants.
En répondant à leurs besoins physiques spécifiques, elles prennent soin du regard que nous portons sur elles. C’est une responsabilité à la fois admirable et libératrice que très peu d'artistes acceptent d'endosser.
“Pourquoi organiser des compétitions pour savoir qui ressemblera le mieux à quelqu'un que vous ne serez jamais ? ” résume-t-elle très bien dans cette phrase absurde et pertinente. La corrélation que Cunningham établit entre le mouvement de corps d'artistes handicapés moteurs ou cérébraux et le vocabulaire physique d'Elvis Presley dans les années 50, relayé par des enregistrements audio de ses sosies, c'est-à-dire ceux qui ont le plus cherché à l’incarner - avec ses mouvements pelviens secs, ses levées de talons rapides provoquant des coups de genou presque involontaires - est des plus subtiles et ingénieuses.
Utiliser les expressions gestuelles mondialement connues et acclamées d'Elvis comme point de départ pour parler des artistes qui sont invisibilisés en raison de leurs corps atypiques est une excellente stratégie pour aborder les questions politiques sous-jacentes à ce projet artistique.
“ Marche comme un homme, sans t’excuser d’être là ! ”, les enjeux de la déficience, l'accès à l'espace, le consentement, les conceptions normatives du corps, font écho aux combats des féministes et des minorités et sont traités non pas avec pathos, mais avec perspicacité, humour et délicatesse.
Elles utilisent leur handicap comme une force et transcendent littéralement toutes les contraintes de départ.
En parcourant et en analysant en détail les moindres gestes et attitudes d'Elvis, elles utilisent leur handicap comme une force et transcendent littéralement toutes les contraintes de départ.
Chaque interprète dispose d'un solo pour mettre en valeur son corps et son esprit. D'une marche laborieuse - parce qu'il faut compter chaque pas quand on est malvoyant - à la réappropriation, et même à la revendication de tout ce que l'on touche, à commencer par le sol à chaque pas que l’on fait, pour bien laisser au public le temps de vous regarder, il y a un changement de modèle du monde qui va au-delà du simple artifice théâtral.
En prenant la place non pas de victimes, mais de privilégiées à qui la vie offre la possibilité de transformer les difficultés pour grandir - car nous savons que c'est dans l'épreuve que nous pouvons nous transcender - ces quatre femmes, en prise avec leur vulnérabilité, délivrent un message de gratitude qui ne peut que nous stimuler dans notre propre attitude face à la vie.
En ne cherchant pas à être comme tout le monde pour satisfaire le regard des autres, elles sont exactement là où elles doivent être - sur scène, en l'occurrence - et nous payons pour recevoir la lumière qu'elles diffusent. En fin de compte, nous nous demandons pourquoi notre vision d'Elvis est si différente de celle que nous avions à priori d’elles, puisque peu de choses semblent les distinguer finalement.
‘Thank you very much’ est un spectacle courageux et émouvant qui intègre des recherches de grande qualité en matière de mouvement, de musique, de chorégraphie, de mise en scène et de rencontres humaines. Comme le chantait Elvis, “A little less conversation, a little more action”, vaincre nos difficultés plus que de les évoquer nous permet de grandir dans la considération et la gratitude, et nous permet aussi de pardonner à ceux qui n'ont pas encore fait ce chemin. Thank you very much girls !
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