Toneel / Dans / Performance / Muziektheater

Cabaret Poème #4 Lylybeth Merle

Willkommen, bienvenue, welcome im Cabaret

Après trois éditions thématiques à la Maison Poème, à La Bellone et au Théâtre Le Rideau, le Cabaret Poème s'installe au Studio Varia. Cet événement, co-présenté par Midis Poésie et la Maison Poème, mêle slam, drag, burlesque, cirque, danse et vidéo autour de la poésie. Dame Lylybeth, metteuse en scène, comédienne, performeuse et maîtresse de cérémonie, nous invite dans cette édition à méditer de manière ludique sur le thème ‘What Future’ - au choix : What ? Future !, What Future ? et toutes ses déclinaisons possibles - à travers les performances de Joëlle Sambi, Marianne Chargois, Michelle Tshibola et Rose Gigot. Malgré la qualité inégale des performances, le Cabaret Poème réussit à créer un espace d'exploration à la fois fantaisiste et politique, interrogeant nos pratiques et rituels théâtraux et sociétaux. À la fois légère et grave, Dame Lylybeth redonne au théâtre son rôle d'agora et d'espace d'émancipation, et c'est tant mieux !        

Cabaret Poème #4
Lodie Kardouss Théâtre Varia -Studio, Brussel
21 september 2024

Dame Lylybeth, avec sa poésie et l’esprit mordant caractéristiques des maîtresses de cérémonie de cabaret, présente les principes de la soirée. Plutôt que d’imposer des règles restrictives, elle adopte un esprit de savoir-vivre participatif, une sorte de soft management centré sur ce que chacun peut faire et met des outils à disposition. Par exemple, pour soutenir les propos artistiques, elle invite le public à claquer des doigts.

Le claquement est une pratique courante dans les milieux féministes, militantistes, activistes et drag. Elle est notamment popularisée par le film ‘120 battements par minute’, que les membres d'Act Up utilisent lors de leurs réunions, car elle permet d'applaudir sans interrompre la personne qui se produit. C'est plus confortable pour la personne qui performe, mais c'est aussi utile pour les personnes neurotypiques, afin de les protéger des stimuli excessifs. Ce geste permet également à une personne isolée d'exprimer son appréciation à tout moment, contrairement à un applaudissement collectif.

L'introduction de ce code au théâtre rend l'expérience théâtrale plus respectueuse des différentes sensibilités et d’une certaine façon plus inclusive dans un lieu où, traditionnellement, le public forme un tout qui ne peut réagir qu'ensemble et qui, par conséquent, s'influence mutuellement pour le meilleur et pour le pire. Dame Lylybeth jette ainsi les bases du care dans le milieu codifié du théâtre professionnel, afin qu'il fonctionne de manière moins binaire, avec les devoirs des spectateurs et des interprètes d'une part et l'expérience, les notions de relations humaines, les questions de vulnérabilité, de sensibilité et de lien social d'autre part.

Fidèle à la formule du cabaret, Dame Lylybeth introduit chaque numéro par des poèmes feutrés et personnels qui appellent à la solidarité. Les 4 artistes se relaieront au fil de la soirée, et les 8 numéros au total seront interrompus par une pause sans alcool. Dame Lylybeth nous confie qu'il s'agit de sa troisième année de sobriété. Partager ses défis personnels et inviter à les relever collectivement, c'est veiller sur la communauté que nous formons ce soir-là.

La comédienne, poète, slameuse, militante afroféministe et LGBTQIA+ Joëlle Sambi ouvre la soirée avec un slam poétique, un récit personnel sur le deuil et le continuum colonial. Comme pour sa deuxième performance plus tard dans la soirée, Sambi s'en tient aux lignes sobres de son texte et de sa voix. On retient que l’intime et le politique sont intimement liés, d'autant plus quand on est queer.

Ensuite, la place est laissée à la performeuse multidisciplinaire et travailleuse du sexe militante, Marianne Chargois qui défend un art BDSM (bondage, discipline, domination, soumission, sadisme et masochisme), intime, et libérateur. Ses deux performances ont été, à mes yeux, les moments forts de la soirée, sans oublier les interludes doux et réflexifs de Lylybeth.

On retient que l’intime et le politique sont intimement liés, d'autant plus quand on est queer.    

Marianne Chargois est une performeuse exceptionnelle, alliant force esthétique, dramaturgique et intellectuelle dans des formes courtes qui mêlent mots, métaphores percutantes, vidéos et actions performatives précises. La place artistique de la performance et la place du travail du sexe, de sa représentation et de l’action qu’elle mène dans la lutte contre la stigmatisation des activités des travailleur.euses du sexe, se rejoignent de manière puissante dans les deux performances qu'elle présente, dont l'une qu'elle a arrêtée de jouer il y a deux ans en raison du harcèlement dont elle a fait l'objet.

Elle aborde de manière frontale, mais non moins poétique, son engagement dans le BDSM, qu'elle décrit comme une activité réparatrice. À travers cette pratique, elle contribue à une forme de guérison personnelle et collective, positionnant son travail comme une ‘petite entreprise’ dédiée à la réparation des systèmes structurels et politiques d'exclusion.

Par ses performances et son activisme, elle déconstruit les normes de pouvoir et de domination, offrant des espaces de libération et d'émancipation, là où les oppressions sociales et politiques laissent des traces. Son approche est à la fois esthétique et conceptuelle, et incite à une réflexion profonde, nous confrontant à des perspectives que notre propre environnement ne nous amène pas nécessairement à explorer.

Puis arrive Rose Gigot, un·e artiste bruxellois·e dont l'univers, à la fois coloré et monstrueux, oscille entre rêve et cauchemar. J'associe son personnage de caniche rose botoxé, avec ses faux cils extravagants, au mouvement des Club Kids Drags. Ces derniers, figures excentriques des soirées underground new-yorkaises des années 90, prônaient une fête libre et créative, mêlant drag, ‘self branding’ et une esthétique unique. Opposés à la politique conservatrice, ils créaient une safe space pour la communauté LGBTQIA+ et ouvraient la voie à la fluidité de genre.

Rose Gigot est un personnage atypique, à l'image de son nom - rose pour la douceur et le rêve, gigot pour le brut et le monstrueux - à la fois touchant, repoussant et drôle. J'aime l'aspect sculptural de son personnage, et sa métamorphose physique en un élément vibrant et difforme. Toutefois, la structure de ses spectacles, centrée sur le lipsync, un élément central du drag, me semble finalement presque trop traditionnelle pour l'univers visuel si créatif et travaillé qu'iel propose.

Enfin, les deux performances de Michelle Tshibola, danseuse, performeuse et chorégraphe, fondatrice de la troupe Black & Queer Vénus Noire, m'ont laissé quelque peu indifférente. J'ai ressenti qu'elle misait davantage sur sa silhouette sculpturale et sa force, sans vraiment dévoiler toute sa subtilité et sa vulnérabilité. Bien que j'aie perçu l'idée que ses performances cherchent une forme d'empouvoirement en réponse aux injustices subies en tant que personne ‘Black and Queer’, je pense que l'expression créative d'une lutte et la lutte elle-même requièrent des stratégies très différentes.

Cette soirée était un peu en dents de scie sur le plan artistique, mais au niveau de ce qu'elle touche et ouvre en nous, et dans le paysage culturel, c'est un plus. Avec Cabaret Poème, on ne vient pas seulement voir un programme, c'est une soirée de déconstruction processuelle. C'est une fête audacieuse, engagée, sous la forme d'une célébration poétique qui milite pour plus d'inclusion, de liberté et de solidarité dans la diversité. Souhaitons au Cabaret Poème de continuer à voyager et de faire autant d'escales que possible.        

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