Toneel / Jeugdtheater

La Dispute Mohamed El Khatib

Des enfants... et des adultes

La création ‘ La Dispute ’ est issue d’une invitation du Théâtre de la Ville à Mohamed El Khatib à écrire un spectacle pour la jeunesse. Très vite, durant son processus de travail, le metteur en scène avoue s’être rendu compte de ne pas s’être retrouvé dans le rôle d’auteur-jeunesse et a préféré transformer la proposition d’une pièce pour la jeunesse en une pièce à partir de la jeunesse en rencontrant et travaillant avec des enfants de 8 à 10 ans de milieux sociaux différents. De ces conversations avec les enfants dans les classes, le thème de la dispute et de la séparation des parents s'est imposé à lui comme un sujet tangible. (NL vertaling onder)

La Dispute
Lodie Kardouss Kaaitheater, Brussel
01 februari 2022

La première chose que l’on découvre de ‘La Dispute’ en rentrant dans la salle de spectacle est une scénographie de LEGO blancs et colorés grandeur nature, c’est-à-dire ici à taille d’enfants, et dont les briques ont été assemblées de façon à former un univers élémentaire avec une petite table, des sièges et un mur. Ce décor très concret et abstrait à la fois, pourrait être la salle de jeu d’une école primaire ou un cabinet de psychologue pour enfants, dans le sens où c’est un espace simple, à la fois ludique et réconfortant, qui est pensé par des adultes pour encourager la parole des enfants.

Cette scénographie, faite de LEGO, est donc modulable. Elle permet aux enfants, en agençant les briques, de reconstituer leurs histoires et de traduire leurs mots en images. Le sujet du spectacle se pose dès les premières minutes de la représentation avec la projection sur le mur de briques de LEGO d’une enfant qui s’excuse de ne pas être présente ce soir, car ses parents n’ont pas réussi à se mettre d’accord : sa mère voulait bien qu’elle fasse le spectacle, mais pas son père, donc elle ne peut le faire qu’une semaine sur deux quand elle est chez sa mère et ce soir, nous sommes dans ‘ la mauvaise semaine ’. Elle poursuit en expliquant qu’elle a l’habitude des mésententes de ses parents et que la seule fois qu’elle les a vu d’accord était au sujet de leur séparation.

Puis 6 enfants arrivent en avant-scène, ils se présentent brièvement en donnant leurs prénoms et âges puis entonnent Les Trompettes d’Avignon à la flûte à bec que les amateurs de théâtre reconnaîtront, qu'ils l'aient entendu à Avignon ou au palais de Chaillot à l’époque du TNP de Jean Vilar, car c’est l’appel qui indique que la représentation va commencer. Ici, ce sont donc les enfants qui nous hèlent comme les parents le font à l’heure du dîner d’un éloquent ‘ À taaaaaaaaaaaable ! ‘. Voilà qui met les acteurs en lien avec les spectateurs de façon très efficace. Les enfants nous ont préparé quelque chose et demandent notre attention.

Sous couvert du théâtre, ils risquent la parole

Ils nous prennent à partie en assénant une suite d’affirmations entendues de la bouche de leurs parents, mais qu’ils ont transformé sous forme de questions comme si nous étions leurs propres parents. ‘ Est ce que vous serez toujours là pour nous? ’, ‘ Est ce qu’on est la meilleure réussite de votre couple? ’ . Nous ressentons un léger ton condamnatoire, car ils déchargent leurs interrogations derrière un pupitre de mini-juge ou mini-homme politique qu’ils ont fabriqué en LEGO. Malgré cela, le public réagit jovialement. Leur franchise fait écho à notre propre expérience d’enfant qui, grâce à eux, peut s'exprimer à découvert et tout autant à nos incohérences d’adulte que nous pouvons encore esquiver grâce au rire. ‘ Vous croyez qu’on ne voit pas quand il n’y a plus de tendresse entre vous ? ‘

La suite du spectacle est une succession d'interviews projetées sur le mur de LEGO et des aventures en direct de ces très jeunes adolescents qui racontent leurs histoires d’enfants de parents divorcés. De la rencontre de leurs parents aux disputes, à l’absence du père ou de la mère, au mystère de la filiation, à l’organisation de leur vie de famille, à la mise en place de la garde alternée, au juge pour enfants, aux cadeaux doublés, aux beaux-parents, à leur propre destinée amoureuse jusqu’à leur future descendance, sous couvert du théâtre, ils risquent la parole. L’art du théâtre et de la mise en scène est évidemment de nous perdre sur ce qui appartient à la fiction et à la réalité, et nos jeunes interprètes nous montrent avec espièglerie qu’ils ont bien intégré les codes de la représentation et qu’ils savent en jouer pour garder notre adhésion.

Ce qu’ils ont peut-être perdu en fragilité au fur et à mesure du processus de travail et des représentations - 3 ans se sont écoulés entre la première et la représentation de ce soir - ils l’ont trouvé, d’une certaine façon, en prise de pouvoir. Pour l’anecdote, un des enfants sur scène confie en fin de spectacle qu’il s’est lui-même inventé des parents séparés lors du casting pour pouvoir faire partie de la pièce. Le théâtre dans le théâtre.

Si travailler avec des enfants est une entreprise très difficile en termes de logistique, de contraintes administratives, de déploiement d’énergie et du fait que le spectacle bouge au fur et à mesure que les enfants grandissent, la contrepartie positive est qu’il n’y a rien de plus touchant que de voir sur scène des enfants jouer une pièce. Qui plus est, quand ils sont co-auteurs des textes avec le metteur en scène. On pourrait se satisfaire de cela et rentrer chez soi heureux d’avoir témoigné de cette grâce, mais ce qui se dégage de ce spectacle est autant personnel et intime que son spectre est civique et universel. ‘ La Dispute ’ fait état d’une forme d’injustice à l’endroit de la jeunesse, car la parole des enfants est rarement entendue, peu traçable et n’est proportionnellement pas tant mise en valeur, alors qu’ils sont le futur de demain. Si les blessures qu’on fait avec les mots ne sont pas visibles sur les corps, elles sont pourtant présentes dans les corps qui grandissent. Dans ‘ La Dispute ’ , on va voir de l’autre côté des mots et des maux.

Si cette pièce donne la parole, elle interroge également l’écoute. 

Aussi, au travers de la parole des enfants, notre soi adulte et enfant, furtivement, se rencontrent, car nous puisons dans notre propre existence une forme de reconnaissance et cela nous offre la possibilité d’être en compassion envers les parents, car l’analyse sans filtre faite par les enfants de leurs séparations fait apparaître à nos yeux des adultes bien maladroits. Faire preuve de compassion, c'est se mettre à la place des autres et essayer sincèrement de comprendre les émotions qui sont à l'origine de leurs comportements. La compassion sert d’ailleurs à déjouer les disputes... En tant que spectateur, sortir d’un spectacle et éprouver un sentiment aussi fort que la compassion relève du Graal.

Si cette pièce donne la parole, elle interroge également l’écoute. Les enfants se plaignent d’ailleurs que leurs parents ne les écoutent pas, pourtant eux sont en mesure de s’écouter les uns les autres sur scène. Ce n’est pas tant au niveau thérapeutique qu’il faut comprendre la notion d’écoute, mais en s'incarnant dans l’objet théâtral, l’écoute devient un acte et prend sa place dans l'ordre existant. Par extension, la parole et l’écoute évoquent la liberté d’expression et la démocratie et posent la question de qui a accès à la parole, qui est entendu et comment la liberté d’expression peut être légitimement revendiquée. Un spectacle tendre et fort à la fois, que j’aimerais voir remonté dans 20 ans avec les mêmes acteurs - qui auront plus ou moins une trentaine d’années - pour faire état des séquelles et des évolutions de notre société. 

Genoten van deze recensie?

Vind je het belangrijk dat zulke verdiepende beschouwingen over de podiumkunsten blijven verschijnen, vrij toegankelijk voor iedereen? Steun pzazz als lezer vanaf 1 € per maand.

Wij doen het zonder subsidies. Met jouw bijdrage kunnen we nog meer voorstellingen aandacht geven en onze auteurs, eindredacteurs en coördinator blijven vergoeden. Pzazz is er voor jou, maar ook een beetje van jou.

Steun pzazz

Uw steun is welkom
Pzazz.theater vraagt veel tijd en inzet van een grote groep mensen. Dat kost geld. Talrijke organisaties steunen ons, maar zonder jouw bijdrage als abonnee komen we niet rond als we medewerkers eerlijk willen betalen. Uw steun is van vitaal belang en betekent dat we onafhankelijk recensies over de podiumkunsten kunnen blijven schrijven. Alvast bedankt!

Steunen Login