Dans / Circus

Corps extrêmes Rachid Ouramdane

Extrêmement

Très belle ouverture de saison des Halles de Schaerbeek avec Corps Extrêmes de Rachid Ouramdane qui affiche complet. Débuter la saison avec un spectacle qui nous donne un tel sentiment de légèreté et nous apporte de la plénitude sans nous donner le vertige, même s'il s'agit d'une coïncidence d'agendas, cela fait symboliquement office de prophétie bienvenue.

Corps extrêmes
Lodie Kardouss Hallen van Schaarbeek
07 oktober 2022

Rachid Ouramdane propose une danse documentaire faite de témoignages vidéo et audio qui viennent s'entremêler et se superposer très organiquement à des motifs chorégraphiques réalisés sur scène. Le témoignage a cette force concrète qui, bien qu'il relate une expérience singulière, reflète souvent des sentiments universels tout en offrant une certaine accessibilité à l'abstraction de la danse ou à l'exubérance du cirque.

La pièce s’ouvre avec des prises de vues aériennes d’une immense falaise projetée sur le grand mur d’escalade qui définit le fond de la scène. Nous découvrons le highliner Nathan Paulin avançant attentivement sur une slackline tendue à plus d’une centaine de mètres de hauteur. Il raconte que cette pratique de funambulisme sur sangle opère sur lui comme une sorte de catharsis lui apportant discernement, maîtrise et confiance en lui, et dans les cas les plus extrêmes, des hallucinations.

Plongée dans ces images d’immensité et de vertige, la salle semble également suspendue dans la contemplation. Peu à peu, la réalité remplace la fiction quand apparaît Nathan Paulin, dans les mêmes vêtements, sur une slackline tendue de chaque côté du plateau à plusieurs mètres de hauteur.

Le volume des Halles se révèle être le lieu idéal pour que le spectateur fasse aussi l’expérience de la vastitude. Respect et émotion dans la salle, perché dans les airs, bien qu’il soit sécurisé par un harnais, il marche, s’assoit en tailleur, se relève, se suspend du bout du bras, s’allonge et fait rebondir sa slackline en pliant ses genoux rapidement. Tout en souplesse et en douceur, il place le spectacle sous le signe de la concentration et de la maîtrise.

Puis, il est rejoint par 9 autres performeurs qui apparaissent au-dessus du mur d'escalade à environ 4 mètres de hauteur. De manière très naturelle, ils rejoignent la scène en descendant le long du mur. Par groupes de 3, les uns debout sur les épaules des autres, ils forment des tours humaines. À partir de ce matériau de base, une multitude de combinaisons de sauts, de portés et de lancés dans les airs se déploient avec une infinie fluidité et les enchaînements deviennent plus captivants les uns que les autres.

Un étrange sentiment de liberté s'empare de nous

Il y a une grimpeuse en escalade sportive et des acrobates, porteurs et voltigeurs. Ensemble et chacun dans leurs rôles, avec la délicatesse de chats, sans aucun harnais de sécurité, ils animent le plateau par leurs figures de haut vol et leurs portés acrobatiques. Il n’y a jamais 9 paires de jambes qui touchent le sol en même temps. On est loin de l'imagerie démonstrative du cirque qui ne ferait la part belle qu'au spectaculaire, ici la prouesse et la technicité sont au service de la poésie et offrent au spectateur de véritables envolées émotionnelles.

Un étrange sentiment de liberté s'empare de nous, ce qui dans les gradins serrés des Halles n’est pas du tout gagné. Les acrobates évoluent comme des constellations d'oiseaux, c'est aérien et souple et la force du spectacle réside, en l'occurrence, dans le fait que rien ne s'imprime dans la rétine et que tout fonctionne comme un magistral courant d'air.

Des images de voyages dans les airs et de migration apparaissent, voler n'est-il pas le plus vieux rêve de l'humanité ? Même si à la longue tout se colore d'un caractère romantique, il est touchant de voir que cette rigueur et cette physicalité extrême ont une dimension presque évanescente.

Que ce soit à la verticale sur le mur d’escalade, à l’horizontale sur le plateau ou dans les airs entre ces deux plans, les interprètes sont agiles et investis dans chacune des propositions chorégraphiques. Les prises, de corps ou celles sur le mur, sont telles un texte en braille grandeur nature auquel ils s'accrochent pour essayer de déchiffrer le phénomène même qui les conduit à prendre le risque de tomber.

Dans Corps Extrêmes, il y a une réelle authenticité en matière d'interprétation, on ne sent pas la présence d'un metteur en scène en retrait attendant que l'œuvre soit exécutée d'une certaine manière. La performativité reposant, en quelque sorte, sur la notion de vie ou de mort, empêche toute forme de superficialité et d'égarement. 

Pendant 60 minutes, nous revisitons nos mirages d'enfance et reconsidérons nos désirs adultes de liberté, et à travers la simple expérience de spectateur, nous comprenons ce qui pousse ces hommes et ces femmes à répondre à des questions existentielles en échappant à la gravité. Nous quittons la pièce avec un corps léger, et l'évidence nous frappe : et si la vraie peur n'était peut-être pas tant celle de mourir que celle de vivre libre ?

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