Dans / Muziektheater

Concert Performance de rythme signé Sysmo Matters Collective

Comment faire encore danser en 2022?

Un cadeau devenu rare s’offre à nous : un concert performance Sysmo. Occupant chaque centimètre carré de la scène, ce collectif belge de 15 percussionnistes libère toute son énergie pour nous rassembler et nous faire vibrer collectivement. Plus que jamais, ce dessein est autant une manifestation d'âme, qu’il est un acte politique.

Concert Performance de rythme signé
Lodie Kardouss Orangerie-Botanique/ Brussel meer info download PDF
25 juni 2022

Si dans le milieu des arts vivants, nous observons depuis un certain temps des formes scéniques avec un petit nombre d’interprètes sur le plateau, ce n'est pas dû au manque d’artiste, mais bien au manque d’investissement financier des politiques dans ce secteur, pour que, comme dans tout écosystème sain, les artistes puissent faire leur métier en groupes plus étoffés.

Bien que la crise covid semble derrière nous, il est important de se rappeler que le secteur artistique a été le premier à fermer et le dernier à rouvrir et que simultanément, nos politiques n’ont rien trouvé de mieux que de “réfléchir à une transformation” du statut d’artiste - figure de style pour parler d’une réforme douloureuse à venir qui, si l'on en croit les nombreuses pétitions et manifestations déjà mises en place, ne semble pas avoir pris en compte les rapports émis par les plateformes artistiques.        

Sysmo est une idée développée par le Matters Collective d'Augustin de Bellefroid qui a étudié la composition live, tel que le soundpainting de Walter Thompson et le rythme signé créé par le musicien argentin Santiago Vazquez en 2006.                   

Ce langage d’environ 120 signes, ramené à Bruxelles par Augustin en 2012, permet de communiquer avec les musiciens et de les guider dans une aventure musicale collective. Lors d’un concert Sysmo, 5 des percussionnistes du groupe se relaient pour diriger l’ensemble grâce au rythme signé.

Plus qu’une improvisation, cette création musicale en temps réel basée sur la répétition et l'évolution de cycles rythmiques, devient une composition instantanée et prend forme de performance.

Les indications de situation (tonalité, signature rythmique, tempo, subdivision, etc.), de responsabilités (clave, solo, base, commentaires, proposition, etc.), de grammaire (breaks, mémoires, appels et réponses, etc.) et d’événements à intégrer (delays, filtres, etc.) sont données avec précision par le musicien qui prend la direction du groupe pour créer et faire progresser un morceau.   

À l’inverse des orchestres de musique classique jouant avec partition et fonctionnant sur un modèle pyramidal - l’information venant de la vision du chef d’orchestre sur l'œuvre - la composition en direct, adresse un processus décisionnel plus horizontal. Chaque interprète demeure co-auteur de la composition avec celui qui la dirige, puisqu'ensemble dans l’instant, ils réunissent une multitude de connaissances et d'expériences qui nourrissent la création.     

Aussi, comme ce sont les musiciens qui se relaient à la direction et non un chef extérieur qui dirige, ils apportent panache et audace à l’ensemble du jeu grâce à leur connaissance étroite des finesses de chaque joueur et à la compréhension des enjeux de chaque section. Reposant sur la technique partagée du rythme signé, ils peuvent gérer l'action qu'ils déploient dans le cadre dramaturgique que le chef propose en évolution permanente.       

Ce retour d’information immédiat, sorte de “you get what you give” feeling, permet à tous les acteurs de la situation, peu importe le rôle qu’ils occupent, de développer vivacité, disponibilité et capacité à articuler des propositions compatibles avec les différentes initiatives engagées. Dans cette démarche artistique, musiciens, chefs et spectateurs créent continuellement le sens de ce qui advient.                       

Cette aventure musicale devient par extension une aventure sociale faisant écho à la question du faire société, avec toute la complexité que la diversité et les divergences impliquent. Que partage-t-on, avec qui et dans quel projet?
Dans cette expérience vibrante à grande vitesse faite de shekeres, triangles, surdos, sabars, bells, shakers, djembés, duns, congas, steel drums, tama, caxixis ou maracas, il arrive parfois de lire l’hésitation ou l'appréhension dans les regards des joueurs. Ces expressions de vulnérabilité font aussi partie de la dynamique du jeu et témoignent de la véracité du désir de ses membres à accomplir un tout, même s’ils ne détiennent qu’une fraction de ce dernier.   

Le rôle de la percussion, dans son essence, a toujours été de rassembler les gens. Si cette musique se crée et se partage entre les percussionnistes, c’est tout autant une expérience mordante qu’ils échangent avec le public qui se connecte intuitivement au langage en y ajoutant sa propre réponse performative. 

La pulsation bat dans nos corps et le rassemblement se fait en la matière. Nous devenons une mer mouvementée, faite de vagues de rythmes africains, cubains, jungle, drum and bass ou techno. Tout comme chaque chef dévoile sa personnalité à travers sa gestique, nous découvrons aussi celles de nos voisins, compagnons de voyage des cultures musicales que nous visitons ensemble. En unisson ou en contrepoint, nous dansons finalement comme un seul homme.

Le concert est rejoint pour quelques morceaux par le tromboniste, improvisateur et compositeur, Adrien Lambinet qui assure également la première partie. Il déploie un univers sonore fait de musique populaire, contemporaine ou de jazz qu’il mixe avec ses différentes machines et pédales. Il amène des parties mélodiques et harmoniques au concert et par la chaleur de son timbre donne couleur à certains concepts rythmiques.   

L’équilibre entre percussions et trombone pose un nouveau défi au chef qui veille à ce que les parties rythmiques et mélodiques s’équilibrent sans que l’une ne prenne le dessus sur l’autre.   

Le déroulé dramaturgique de la soirée joue la carte de la montée en puissance vers un épuisement salvateur. Alors que la fatigue naît sur les visages de nos chamanes et qu’ils redoublent d’attention et de concentration pour tenir la battue et la profusion d’informations signées, les aficionados de la percussion que nous sommes, entrent en transe. Au bout de deux heures de créativité et de bon son, la fréquence cardiaque de la salle est à son maximum.                       

Quand l’oxygène commence à manquer, c’est le signe qu’il est temps de redescendre. Rappel, dernière prise de pouls, sourires, transpiration, salut des musiciens. En accéléré, nous avons revu les essentiels de la vie qui sont aussi ceux du rythme : la respiration et la pulsation du cœur à la base de chaque geste exécuté. La boucle est bouclée.   

Cette pratique de l'improvisation dans le moment de la performance qu’est le rythme signé, fait écho à la composition instantanée en tant que forme de représentation développée dans les années 1960 aux États-Unis par le Judson Dance Group, poursuivie par Steve Paxton, Simone Forti, Yvonne Rainer et Trisha Brown, et dont les techniques sont encore enseignées et utilisées par les chorégraphes Julyen Hamilton, Lisa Nelson et Mark Tompkins.Danse et musique sont définitivement indissociables. 

L’art vivant prend sa source dans le corps des uns et termine sa course dans le corps des autres. Comment faire encore danser en 2022 ? La danse est l'incarnation d'une expérience collective dans le temps. Remettons nos corps en action et dansons Sysmo!

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