Dans

Cría Alice Ripoll / Cia. Suave

Une corporalité fougueuse

‘aCORdo’ d'Alice Ripoll, un de mes coups de coeur du KDFA 2018. Une performance sensible et intelligente qui nous confrontait dans nos valeurs individuelles et notre façon de vivre ensemble. ‘Cría’ sa dernière production, touche encore grâce à ses interprètes authentiques, mais souffre d'une dramaturgie peu aboutie.

Cría
Lodie Kardouss Théâtre 140
Kunstenfestivaldesarts
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17 mei 2019

Tout juste assis au Théâtre 140 à Schaerbeek, Bam! Volume presque au max, c’est parti avec un DJ set de Pop Andrade sur lequel défilent, en fond de scène, les danseurs en solo. Ces traversées latérales, de cour à jardin et de jardin à cour, sont virtuoses et dévoilent en continu plusieurs types de danses traditionnelles ou urbaines. Samba, hip-hop, passinho, voguing, twerk, popping etc., chacun présente son style en une gestuelle spécifique.

On y retrouve l’énergie et l’audace d’une “dance battle” dont la base circulaire se serait ouverte pour se déployer face au public. Ces traversées accrochent vivement le regard et s'enchaînent si rapidement que vient l’illusion d’un infini, comme si nous étions au milieu d’un défilé ou d’un carnaval. La lumière artificielle orange, les costumes funky, allant du velours à la paillette en passant par le lycra et le lamé, révèlent des corps libres, sculptés ou non, dégageant une corporalité fougueuse.

Tous les ingrédients sont là pour nous faire voyager et quitter, un instant, le théâtre pour un bal funk de Rio. Les bailes funk sont d’immenses soirées dansantes en plein air à Rio. Elles sont passées du statut de fêtes autorisées dans la rue, à l’illégalité, aux favelas puis finalement ont été redéfinies comme 'activité culturelle à caractère populaire', faisant ressortir le funk de l’illégalité, sous réserve tout de même, d’un encadrement policier et de réglementations strictes à respecter... 

La nature démonstrative des mouvements chauffés par les spots colorés, fait chavirer l’esthétique expérimentale d’aCORdo présenté lors du dernier Kunstenfestivaldesarts. Ici, alternance de danses en groupe, solos ou petites constellations, à l’unisson ou non, en musique ou en silence. Les danseurs sont toujours exaltés et l’intensité de leur performance est appréciable malgré un enchaînement de tableaux quelque peu aléatoire.

Une proposition théâtrale prend forme lorsqu’un des danseurs se met à murmurer puis à dialoguer avec un autre. Il est difficile de tout comprendre car c’est un mélange d’onomatopées prononcées à toute vitesse, de Portugais et d’Anglais avec un fort accent, mais on peut distinguer des mots comme pussy, Beyoncé, gay, Nicky Minaj, money, more money… Le public est réceptif à l’humour et à la teneur queer du propos.

Les numéros se suivent toujours, passant d’une danse de tête extatique à celui d’une danseuse au poing levé, puis à un groupe nous défiant en silence, entonnant une sorte de chant de résistance. Cette formation se transforme en une danse de groupe frénétique puis en une ligne où tous amorcent un début de twerk dos au public.

Si nous nous étions évadés mentalement, la succession ardue d'événements festifs, intimes ou aigre-doux, plus ou moins narratifs, mélangeant danses virtuoses, démonstration et défi, manque de structure et les codes de présentation scénique, si le spectacle est vu en Europe, ne sont pas vraiment bousculés. 

Soudainement, des coups de feu, enregistrés à partir d’un téléphone portable, retentissent dans la bande-son et ramènent les danseurs à une réalité dont, on peut imaginer hélas, qu’ils en aient fait l’expérience. Certains danseurs s’allongent sous une lumière rouge, d’autres quittent le plateau, la fête semble terminée, jusqu’au moment où un danseur reprend quelques pas de danse du début. La pièce se termine peu de temps après un dernier duo.

Jusque pendant les saluts, on sera ébloui par la vitalité, la sensualité et le désir qui émanent de ces êtres dont le rapport au public est authentique, et bien qu’il faille saluer ce travail engagé, créé alors que Jair Bolsonaro ouvertement raciste, sexiste et homophobe vient d'être élu à la tête du Brésil (ce spectacle est dédiée à Marielle Franco, femme politique brésilienne, sociologue et militante des droits humains et LGBT, morte assassinée le 14 mars 2018), il reste tout de même une petite déception quant à l’agencement du propos sur scène et à l’arche dramaturgique du spectacle.

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